Retraites - Tous en grève le 5 décembre

(actualisé le ) par Attac pays d’Arles

Attac - Pays d’Arles appelle à rejoindre la manifestation du 5 décembre

Rendez-vous à partir de 10h au kiosque à musique, esplanade Charles de Gaulle avec vos instruments de musique ou casseroles !


Les comités Attac d’Ile de France ont réalisé une brochure sur le sujet :
https://vie-interne.attac.org/campagnes/retraites/article/petit-guide-contre-les-bobards-de-la-reforme-des-retraites repris ci-dessous.


Il faut un système de retraite plus simple et plus juste pour tous !


Aucune des nombreuses réformes, mises en place depuis 1993, n’a changé l’architecture du système du système de retraite français, qui est resté basé sur :
- le principe de la répartition (les cotisations versées par les actifs au titre de l’assurance vieillesse sont immédiatement utilisées pour payer les pensions des retraité.e.s),
- le calcul des pensions en annuités pour les régimes de base [1],
- l’existence de 42 régimes de retraite [2]

Ces différentes réformes ont été menées au nom de l’équilibre financier du système de retraite. Le déficit des régimes de retraite de base et du Fonds de solidarité vieillesse a ainsi été réduit à 1 milliard d’euros en 2017... au prix de la baisse continue du niveau des pensions (du fait de l’indexation sur les prix au lieu des salaires, du calcul sur les 25 meilleures années au lieu des 10 meilleures années pour les salarié.e.s du privé [3] , de l’allongement de la durée de cotisation, du recul de l’âge légal de départ à la retraite...). D’ailleurs, dans son programme de campagne, Emmanuel Macron soulignait que « le problème des retraites n’est plus un problème de financement ».
Alors pourquoi une retraite par points ?

L’argument avancé est que les Français, notamment les jeunes n’ont plus confiance dans notre système de retraite trop complexe et injuste, d’où l’idée de mettre en place « un système universel, juste et transparent »...

Pour justifier son projet de retraite par points, le gouvernement axe sa communication sur l’inégalité qui découlerait de l’existence de 42 régimes avec des règles différentes.

La solution Macron de passer à une « retraite par points » [4] représente un changement fondamental de notre système de retraite qui devient essentiellement contributif (alignement des pensions sur les cotisations versées), donc individualiste. Les dispositifs de solidarité devraient ainsi sortir du système de retraite et être exclusivement financés par l’impôt [5] ... Et, cerise sur le gâteau, à cette réforme systémique s’ajoute une réforme paramétrique (introduction d’un âge « pivot » et/ou allongement de la durée de cotisation).

« Pour une retraite plus simple et plus juste pour tous » : tel est le slogan du site du Haut-Commissaire à la réforme des retraites... La loi travail Macron 2017 devait apporter « plus de liberté, plus de protection et plus d’égalité des chances ». Mais la réalité est tout autre...

Comment faire avaler cette réforme des retraites qui serait impopulaire si elle était comprise : en racontant des bobards !

Bobard n°1 : Le système de retraite par points garantira un haut niveau de retraites


Jusqu’à présent, presque tous les régimes de retraite de base des salarié.e.s et des non-salarié.e.s fonctionnent sur le principe de l’annuité [6] . Chaque année, l’assuré valide des trimestres grâce à ses cotisations [7] et à des dispositifs de solidarité (chômage, maladie, maternité, enfants...). La loi garantit, pour une durée de cotisation déterminée, une retraite de base à taux plein fixée à 50 % du salaire de référence pour les salariés du privé jusqu’au plafond de la Sécurité sociale [8] et à 75 % du traitement de référence pour les fonctionnaires [9].

Ces régimes sont obligatoires, nombreux, publics, fortement solidaires (trimestres gratuits) tout en étant contributifs. Ils fonctionnent par répartition.
Certes, le nouveau système de retraite projeté sera toujours obligatoire, public et par répartition. Il fonctionnera par « points » et non plus par « annuités » [10] . Chaque année travaillée, l’assuré accumulera des points, calculés à partir des ses cotisations et de la valeur d’acquisition du point (annoncée à 10 euros pour un point [11]). Lors du départ à la retraite, les points cumulés seront transformés en pension en se basant
sur la valeur du point lors du départ à la retraite (annoncée à 0,55 euros pour 1 point), appelée « valeur de service ». Si bien qu’il n’y aura plus de retraite à taux plein garantie et on ne tiendra plus compte des salaires des 25 meilleures années dans le privé (des 6 derniers mois pour les fonctionnaires) mais de toute la carrière ... Ce qui conduira à une diminution du montant moyen des pensions.

Dans le nouveau système, les dépenses des retraites seront bloquées à 14 % du PIB [12], alors que le nombre de retraité.e.s va augmenter de plus d’un tiers d’ici à 2050. Mécaniquement, le niveau des pensions de retraites baissera.
De plus, la valeur du point pourra être ajustée chaque année à la baisse pour maintenir l’équilibre financier du système de retraites.

C’est une façon cachée de réduire les retraites sans avoir à passer par une loi.
La logique du système à points est purement contributive (un euro cotisé vaut les mêmes droits pour tous). Toutefois, les périodes de chômage, de maternité, de maladie, d’invalidité permettront d’acquérir des points..., mais ces mécanismes de solidarité seront financés par l’impôt et non plus par les cotisations. Ainsi, on passe de droits acquis à une forme d’aide sociale qui peut être remise en cause chaque année par le gouvernement [13].

Le nouveau système conduit ainsi à abaisser le montant moyen des pensions et incite ceux qui ont des hauts salaires à placer de l’épargne dans les fonds de pension .

Bobard n°2 : La réforme rendra le système de retraite plus simple et plus lisible


Après la casse du code du travail trop « complexe », le gouvernement met le cap sur la casse du système actuel de retraite jugé également trop « complexe » ! Le nouveau système, s’il est adopté, sera « universel » (un seul régime [14]) et « par points ».

Pour simplifier le système, la réforme Macron-Delevoye prévoit de fusionner les 42 régimes de retraite (issus d’une logique de prise en compte des spécificités des métiers ou statuts professionnels) en un seul régime (logique de flexibilisation de la main-d’œuvre), avec des règles communes quel que soit le statut (âge de départ, taux de cotisation, mêmes droits pour un euro cotisé).

En réalité, les droits à la retraite anticipée seront maintenus pour les fonctionnaires exerçant des missions régaliennes de maintien de l’ordre et de sécurité publique (policiers, surveillants pénitentiaires, contrôleurs de navigation aérienne, sapeurs pompiers, militaires...), mais un âge ou un nombre d’années de service sans décote sera fixé.

Un taux global unique de cotisation de 28,12 % devrait être appliqué aux salariés du privé et du public (objectif de convergence complète en 2040). Néanmoins les cotisations des travailleurs indépendants seront aménagées (dégressivité, temps de convergence plus long).

Le slogan « Un euro cotisé donnera les mêmes droits à tous », ne se vérifie donc ni au niveau des catégories socio-professionnelles (espérance de vie à la retraite d’un ouvrier beaucoup plus faible que celle d’un cadre [15], départs anticipés différenciés...), ni au niveau intergénérationnel (mixte des deux systèmes de retraite ou nouveau système selon les générations, variation du rendement du point).

Quand à la lisibilité de la retraite par points, c’est plutôt le brouillard total : imprévisibilité de la valeur d’acquisition et/ou de la valeur de service du point, flou sur le devenir des points de solidarité à la merci des coupes budgétaires.
Sous prétexte de « simplification » et de « lisibilité », on passe d’un système à « prestations définies » (garantie légale d‘un taux de remplacement du salaire ou du revenu d’activité dans le régime de base actuel) à un système à « cotisations définies » (on sait ce qu’on verse mais pas ce que l’on va toucher), c’est-à-dire une logique individualiste où chacun croit récupérer sa mise.

À l’évidence, le nouveau système de retraite universel par points ne sera ni « simple » ni « lisible » !

Bobard n°3 : Le nouveau système de retraite permettra de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes


Dans le rapport Delevoye de juillet 2019, il est écrit que le système universel de retraite conduira à « réduire les écarts entre les femmes et les hommes » [16].

Le système actuel de retraites amplifie déjà les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes. Ainsi, en 2014, alors que le salaire moyen des femmes représente 74,3 % de celui des hommes, la pension moyenne de droit direct [17] des femmes ne représente que 61 % de celle des hommes (2016). La réduction des inégalités, qui résultait de l’amélioration de la qualification et de l’activité des femmes, a été freinée par les réformes des retraites depuis les années 1990, alors que les pensions sont devenues de plus en plus contributives (somme des pensions perçues se rapprochant de celle des cotisations versées).

Dans le nouveau système, le calcul de la retraite porte sur les points cumulés sur toute la carrière. Il pénalise particulièrement les femmes 8et les précaires aux carrières morcelées [18]. L’exemple des régimes par points Arrco et Agirc est éclairant : les pensions des femmes ne représentent que 60 % de celles des hommes pour l’Arrco et 41 % pour l’Agirc, contre 75 % sur l’ensemble des régimes.

La part de solidarité dans les dépenses retraite devrait rester stable (25 %), mais elle sera financée par l’impôt. Gare à l’austérité budgétaire ! Pour les femmes, principales bénéficiaires des mécanismes de solidarité, des régressions sont à attendre.

Tout d’abord, la majoration de pension de 5 % dès le premier enfant (attribué à l’un ou l’autre des parents ou par moitié) est présentée comme une avancée majeure. Mais elle remplace à la fois la MDA (majoration de durée d’assurance, accordée dès le 1er enfant [19]) et la majoration de 10 % pour 3 enfants et plus. Si l’on prend l’exemple d’une mère de 3 enfants née en 1946, à carrière moyenne, elle n’aurait que 15 % de majoration de pension dans le nouveau système contre 23 % dans le système actuel (13% de MDA, 10 % de majoration pour 3 enfants) [20].

Ensuite, les conditions actuelles des pensions de réversion varient selon les régimes (âge d’ouverture du droit [21] , remariage, condition de ressources) pour des taux de pension de 50 % à 60 % de la pension de l’assuré décédé. Si la suppression de la condition de ressources est une avancée, le nouveau système contient de nombreux reculs (ouverture des droits à 62 ans, perte des droits pour divorce ou remariage). Le versement de 70 % des droits à pensions cumulés du couple semble séduisant mais ce ne sera pas si favorable, même avec des pensions modestes [22] !

Bobard n°4 : La réforme est démocratique : partenaires sociaux et citoyens sont consultés !


Après plus d’un an et demi de concertation avec les partenaires sociaux, une plateforme numérique de consultation citoyenne et des débats en région, le Haut-Commissaire a rendu son rapport au gouvernement en juillet 2019. Depuis septembre 2019, un nouveau cycle de discussions avec les syndicats s’est ouvert et une consultation citoyenne ainsi que des réunions publiques sont prévues. Mais cette réforme est-elle si démocratique ?

Tout d’abord, l’orientation de la réforme a été imposée par Macron pendant sa campagne présidentielle. Pour être démocratique, cette réforme, qui change complètement le système de retraite, aurait nécessité au préalable une négociation interprofessionnelle entre interlocuteurs sociaux... Elle n’a pas eu lieu.

De surcroît, des éléments pouvant impacter la réforme des retraites comme les mesures en faveur de l’épargne retraite par capitalisation sont déjà actés dans la loi Pacte. Par ailleurs, en septembre 2019, le gouvernement n’avait pas encore fourni aux syndicats d’études d’impact qui chiffrent toutes ses propositions de changement d’architecture du système des retraites. Enfin, avec la gouvernance du système de retraite universel par points préconisée par Jean Paul Delevoye, l’État fixe le cadre du pilotage du système, ce qui évince de fait les partenaires sociaux.

Jean-Paul Delevoye avait déclaré dans le dossier de presse sur la participation citoyenne 2018 « Je souhaite que ce débat soit ouvert, que nous puissions [...] tout mettre « sur la table ». Sauf que, quelques lignes plus loin, il était écrit « Vos propositions devront s’inscrire dans le projet de la réforme : Il s’agit de créer un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits ». En 2019, la consultation citoyenne organisée en ligne par le gouvernement porte à nouveau sur la réforme qu’il entend imposer (grands principes de la réforme et préconisations du rapport du Haut-commissaire) [23] !

Donc, comme c’est le cas dans le processus de concertation avec les syndicats, les citoyens ne peuvent pas débattre du maintien ou de l’amélioration du système de retraite actuel. Ils sont autorisés à débattre, en ligne, uniquement sur le système universel de retraites par points. Et, en 2016, seuls 55 % des Français utilisaient un navigateur web [24] alors que cette utilisation est nécessaire pour accéder à la consultation citoyenne sur la réforme des retraites ... La participation citoyenne en ligne sera une fois de plus peu significative !

Décidément, cette réforme n’est pas démocratique, à l’image des autres réformes de Macron !

Bobard n°5 : Chacun sera libre de prendre sa retraite quand il le souhaite !


Un des arguments du gouvernement est que, avec le système de retraite par points, chacun pourra prendre sa retraite quand il le souhaite... à partir de l’âge légal de la retraite, maintenu à 62 ans, quand même !

Pourquoi serait-il plus facile de prendre sa retraite à sa guise grâce au régime de retraites par points ? Parce que le calcul du montant de la pension serait plus simple que dans le système actuel. Chacun pourrait alors prendre sa décision de partir à la retraite dès que le montant de sa pension lui semblerait suffisant.

Or, non seulement le système universel par points n’est ni lisible, ni simple comme l’a montré le bobard 2, mais les possibilités réelles de continuer à travailler pour cumuler plus de points risquent d’être faibles alors que les employeurs se débarrassent des seniors, que presque la moitié des travailleurs ne sont plus en emploi à la liquidation de la retraite et que de nombreuses personnes occupant des métiers pénibles ont du mal à tenir jusqu’à l’âge de départ tant elles sont usées.

Par ailleurs, s’ils ont un emploi, les salariés et non-salariés ayant eu les travaux les plus pénibles et mal rémunérés, les travailleurs aux carrières morcelées (maladie, temps partiels, chômage, interruption pour l’éducation des enfants...) ne seront absolument pas libres de prendre leur retraite quant ils le souhaitent car les points accumulés seront insuffisants pour avoir un niveau de vie décent.

Le système à points renforcera les inégalités : les travailleurs aux revenus d’activité élevés pourront en effet partir tôt. Mais comme il n’y aura plus de taux de remplacement garanti des revenus d’activité ni de transferts de solidarité élevés, les travailleurs les plus modestes devront travailler plus longtemps.

Choisir librement son âge de départ à la retraite à partir de l’âge légal est une illusion qui ne profitera qu’à une minorité d’actifs ... D’autant plus qu’un « âge pivot » de 64 ans (avant lequel une décote s’appliquera) et/ou un allongement de la durée de cotisation devraient être introduits dans le système universel de retraite ... et
qu’ils devraient évoluer en fonction de la démographie. D’ailleurs, un des objectifs de la réforme est d’allonger la durée de la vie active, y compris en facilitant le cumul emploi-retraite, afin d’atténuer la baisse dévastatrice provoquée par le nouveau système sur les pensions.

Bobard n°6 : Le nouveau système restera par répartition


Tous les systèmes de retraite par « répartition » comme par « capitalisation », ne peuvent répartir que la richesse produite par les actifs.

Le gouvernement insiste sur le fait que le nouveau système de retraite « restera fondé sur la répartition », c’est-à-dire que les cotisations versées par les actifs au titre de l’assurance vieillesse sont immédiatement utilisées pour payer les pensions des retraités. Il souligne également l’aspect de « solidarité entre les générations » qui est attaché à ce système.

La « répartition » a deux avantages de taille sur la « capitalisation ». Premièrement, elle assure une stabilité des ressources pour les retraités alors que ces derniers peuvent être brutalement ruinés par des crises financières réduisant à néant leurs placements boursiers.

Deuxièmement, elle renvoie à un débat politique sur l’augmentation de la part des richesses produites à consacrer aux retraites : « faut-il augmenter les cotisations ou l’âge de départ, faut-il garantir la parité du niveau de vie entre la retraite et la vie active ou au contraire s’accommoder d’un baisse de la retraite, etc. ? » [25]. Ce débat doit être tranché démocratiquement.

Même si le système de retraite « par points » reste « formellement un système par répartition », l’équilibre du système se fait par ajustement des divers paramètres (âge « sans décote » ou durée de cotisation par génération, valeur du point de service et du point à l’achat, sous-indexation des pensions par rapport à l’inflation etc.) pour ne pas dépasser des dépenses plafonnées à 14 % du PIB, ce qui permet
d’éviter tout débat public. « En ce sens il introduit dans la répartition une logique de capitalisation » [26].

N’oublions pas que pendant sa campagne, Macron s’est beaucoup référé au modèle de retraite suédois qui comporte deux piliers : les comptes notionnels souvent cités ... mais aussi des retraites capitalisées. D’après une étude de mars 2017, 92 % des Suédoises et 72 % des Suédois auraient eu des retraites supérieures dans leur ancien système à prestations définies sur les revenus d’activité, auquel s’ajoutait un régime universel à taux uniforme [27].

Selon le rapport Delevoye, les cotisations sur les salaires s’appliqueraient jusqu’à 3 fois le plafond de la Sécurité sociale au lieu de 8 actuellement. Les hauts revenus seront donc incités à se tourner vers des retraites par capitalisation. Plus généralement, la baisse des pensions favorisera ce type de placements. La marche vers le développement de la retraite par capitalisation est enclenchée.

Attention le système par points en cache un autre !

Bobard n°7 : Le régime des fonctionnaires et les régimes spéciaux génèrent des inégalités à éliminer


Depuis des années, les gouvernements et les médias ont répandu l’image de fonctionnaires ou d’agents du service public « privilégiés ». Le sentiment d’injustice s’est installé dans une majeure partie de l’opinion publique... qui souhaite une réforme du système de retraite éliminant les inégalités soi-disant liées aux différences de régimes auxquels ont cotisé les retraités.

Maintenant que le mal est fait, le gouvernement peut affirmer sur son site retraites [28] qu’il est faux de dire que « Les fonctionnaires sont bien mieux traités que les salariés du privé ». Ainsi, on peut y lire qu’au final, « les taux de remplacement sont quasiment équivalents » : 75 % pour un salarié non cadre du privé contre 68 % pour un fonctionnaire de catégorie B ... La différence en défaveur des fonctionnaires est pourtant sensible. Comme le nouveau système de retraite se veut « universel », le régime des fonctionnaires devrait converger avec les autres régimes.

Rien de très nouveau, puisque le processus de convergence avec le régime général est en cours depuis 2003 [29].
La quinzaine de régimes spéciaux (mines, marins, SNCF, RATP, IEG – industries électriques et gazières-, Opéra de Paris...) [30] ont été construits pour prendre en compte la spécificité des métiers (pénibilité, etc.). Ils se distinguent d’autres régimes par la possibilité de partir avant l’âge légal de la retraite, par un nombre plus faible de meilleures années (ou derniers mois) pris en compte pour calculer la pension ou par des durées de cotisation favorables.

Mais les réformes successives du système de retraite engagées depuis 2003 ont aussi amorcé une convergence des régimes spéciaux sur le régime général. « A compter de 2024, l’âge d’ouverture des droits (62 ans) et la durée d’assurance (168 trimestres) des sédentaires des régimes spéciaux seront alignés sur ceux de la fonction publique et du régime général et évolueront à l’identique (172 trimestres pour la génération 1973) » [31]. Des spécificités subsistaient concernant la prise en compte des tâches pénibles ou dangereuses. Le rapport Delevoye annonce la disparition pure et simple des « régimes spéciaux » ... avec une très faible prise en compte de la pénibilité (retraite anticipée de 2 ans au maximum).

L’alignement des régimes de retraite se fait par le bas.

Sous prétexte de réforme des retraites, Macron veut faire table rase des statuts attachés aux régimes de la fonction publique et aux régimes spéciaux. Comme par hasard, ce sont des secteurs où une force de contestation existe ou bien des secteurs où des privatisations sont encore possibles !

Sous couvert d’équité, la réforme des retraites vise surtout à affaiblir les services publics.

Bobard n°8 : La gouvernance du système de retraite associera les partenaires sociaux et les citoyens à son pilotage


« La gouvernance du système de retraite est un sujet d’une grande importance » selon le rapport Delevoye. En effet, la retraite constitue un enjeu social et économique majeur qui concerne actuellement 17,5 millions de retraité.e.s et représente un quart du total des dépenses publiques. De nouvelles instances de gestion, de pilotage, de participation et d’évaluation seront donc créées.

Au lieu des multiples caisses gérant actuellement les différents régimes de retraite, un seul établissement public, la Caisse nationale de retraite universelle, sera créée. Elle sera chargée de la mise en place et de la gestion du système universel. Son Conseil d’administration, composé à part égale par des représentants des assurés et des employeurs, devrait jouer « un rôle central dans le pilotage des principaux paramètres du système universel de retraite » (revalorisation des retraites, revalorisation de la valeur du point, évolution du taux plein – retraite sans décote – par génération, proposition des taux de cotisation, utilisation des réserves financières).

Néanmoins, la marge de manœuvre pour décider d’une évolution positive de ces paramètres est quasi inexistante, sauf si l’on déshabille Pierre pour habiller Paul !

Ainsi, l’enveloppe des dépenses de retraite est figée à 14 % du PIB, les cotisations sont bloquées à 28,12 % de la rémunération totale [32], le recours aux réserves est rendu difficile à cause de leur gestion par un Fonds de réserve universel. Et, surtout, l’instauration d’une règle d’or de strict équilibre financier du système par période de 5 ans bloque toute possibilité de combler d’éventuels déficits à un horizon plus lointain.
De surcroît, le cadre du pilotage du système devrait être défini dans la loi de financement de la sécurité sociale, votée chaque année. Si l’équilibre financier du système l’exige, le gouvernement pourra présenter au Parlement des modifications régressives sur les conditions d’ouverture des droits (âge légal, dispositifs de retraite
anticipée) et sur les dispositifs de solidarité. La gouvernance passe aux mains de l’État, maître de leviers centraux du pilotage du système.

La création d’une Assemblée générale (syndicats, organisations professionnelles, citoyens...), d’un Conseil citoyen et d’un comité d’expertise indépendant est une simple opération de communication puisque ces instances n’auront aucun pouvoir de gouvernance et ne pourront émettre que des avis.

Conclusion : Rendons notre système actuel de retraite plus juste et plus solidaire !

Dans une interview donnée au Parisien [33] en mai 2018 sur la réforme du système de retraite, Jean-Paul Delevoye déclarait « Ma crainte [...] c’est que le système ne soit pas juste, pas simple et pas équilibré financièrement ».

Quelle clairvoyance !

En effet, la réforme conduira à une baisse marquée de la retraite des femmes, et plus généralement des précaires [34], sauf si de très importants dispositifs de solidarité étaient mis en place, ce qui est peu probable vu le contexte d’austérité budgétaire. Plus globalement, on peut prévoir une baisse générale du niveau des pensions.

Par contre, la piste des mesures favorables à la retraite par capitalisation pour les hauts revenus (supérieurs à 120 000 euros annuels) parait juteuse pour ces « premiers de cordée »... jusqu’à la prochaine crise économique ou financière. Les lobbies des fonds de pension ont été entendus et piaffent d’impatience. Pensez donc, la retraite par capitalisation ne représente encore que 2 % des retraites en France !

Au fil de ce petit guide, on a vu que le nouveau système à points ne serait pas simple. Outre la volatilité des points, les différents régimes de retraite spéciaux ou autres ne pourront pas s’aligner si facilement sur le régime général, les caisses de retraites complémentaires ont également leurs propres spécificités ...

L’équilibre financier du nouveau système par points ne sera pas assuré face aux fortes contraintes démographiques et économiques, sauf baisse inacceptable des pensions ou allongement inatteignable de durée de la vie active.

Il faut donc défendre le maintien du système actuel, tout en le simplifiant et en corrigeant ses injustices. Des solutions existent pour l’améliorer.
- Unifier les différents régimes par le haut avec un taux de remplacement minimal [35].
- Augmenter progressivement le taux de cotisation vieillesse, notamment les cotisations patronales, pour tenir compte de la démographie.
- Élargir l’assiette des cotisations (inclusion des profits distribués).
- Modifier le calcul de la pension pour l’adapter à la durée réelle de la carrière : au lieu de prendre les 25 meilleures années de salaire pour calculer la pension, retenir par exemple le quart de la durée de carrière : les 10 meilleures pour une carrière de 40 ans, les 5 meilleures pour une carrière de 20 ans (carrières courtes non pénalisées).
- Mener une politique d’emploi très active et augmenter les salaires.
- Réaliser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
- Inscrire toute réforme dans un modèle de développement non productiviste, ce qui implique une réduction des inégalités en amont dans le partage salaires-profits, pour ne pas avoir à espérer une croissance économique forte, compte tenu de la crise écologique.

Combattons avec vigueur la casse de notre système de retraite !

Fondée en 1998, Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) est une association qui milite pour la justice sociale et environnementale, et conteste le pouvoir pris par la finance sur les peuples et la nature.
En 2018, Attac est présente dans une cinquantaine de pays ; Attac France compte plus de 10 000 membres et une centaine de comités locaux qui agissent partout en France.
Attac IDF regroupe les comités locaux d’Ile de France. Des réunions mensuelles mettent en commun réflexions et propositions d’actions. Attac IDF est à l’initiative de ce guide contre les bobards de la réforme des retraites Macron.
attac-idf chez list.attac.org
Rédaction : Evelyne Dourille-Feer avec le concours de Jean-Marie Harribey, Christiane Marty, Rozenn Perrot et des membres de la commission TSPS

Illustrations : François Feer

Octobre 2019
Attac France
21 ter Rue Voltaire
75011 Paris

Notes

[1À l’exception des régimes de base des professions libérales et des non-salariés agricoles qui sont par points.

[2Deux de ces régimes, le régime général et le régime de la fonction publique, couvrent la très grande majorité des assurés.

[3Pour les salariés du secteur privé affiliés au régime général de la Sécurité sociale.

[4Dans le régime « par points », on calcule la pension en fonction du nombre de points acquis durant toute la carrière et de la valeur du point lors du départ à la retraire. La valeur du point est ajustée pour maintenir l’équilibre financier de la caisse de retraite. Dans le régime par « comptes notionnels », la pension correspond à la somme des cotisations versées et revalorisées chaque année, multipliée par un coefficient de conversion (espérance de vie à la retraite, variables économiques). Le gouvernement a finalement opté pour un régime de retraite « par points ». L’espérance de vie à la retraite devrait être prise en compte et le point pourrait être indexé sur le revenu moyen.

[6À l’exception des régimes de base des professions libérales et des non-salariés agricoles qui sont par points.

[7Dans le secteur privé, la validation d’un trimestre d’assurance vieillesse ne dépend pas de la durée réelle d’activité, mais du montant du salaire soumis à cotisations pour la retraite. Dans la fonction publique, un titulaire doit justifier de 4 trimestres de cotisations dans l’année pour valider une annuité.

[8Plafond de la Sécurité sociale : 3377 euros par mois au 1er janvier 2019.

[9Salaire de référence des salariés du privé : moyenne des salaires actualisés des 25 meilleures années, traitement de référence des fonctionnaires : moyenne des traitements hors primes des 6 derniers mois. Pas d’équivalent des retraites complémentaires pour les fonctionnaires.

[10Rapport Delevoye, juillet 2019 (p 34 à 40), voir note 4

[11Ces valeurs d’acquisition et de service sont indicatives pour 2025 mais elles pourront être révisées avant et après le démarrage du nouveau système de retraite.

[12Michel Husson, « La réforme des retraites au prisme du modèle suédois », Chronique 06/09/2019, Alternatives Économiques

[13CGT, « La retraite, on s’est battu pour la gagner et on se bat pour la garder », 9 septembre 2019, https://www.soc- etudes.cgt.fr/info...

[14Fusion des 42 régimes, y compris les régimes de retraites de base et complémentaires.

[16Rapport Delevoye, juillet 2019, voir note 4.

[17La pension de droit direct inclut les majorations pour enfants, mais pas la réversion.

[18Christiane Marty, « Retraite des femmes, enjeu décisif », http://www.fondation-copernic.org/i...

[19MDA (majoration de durée d’assurance). La majoration maternité est de 4 trimestres. Elle est attribuée à la mère, dès le premier enfant, pour chaque enfant (y compris pour un enfant mort-né) au titre de l’incidence de la maternité sur sa vie professionnelle, notamment la grossesse et l’accouchement. La mère doit être assurée sociale.

[20Sans choix exprimé, la majoration est attribuée par défaut à la mère.

[21Age d’ouverture du droit : Ircantec : 50 ans, régime général : 55 ans, fonction publique : pas de seuil d’âge.

[22Christiane Marty, « Réforme Delevoye : un projet régressif », juillet 2019, http://www.fondation-copernic.org/i...

[24Statistique du CREDOC.

[25Pierre Khalfa, « Retraite : le basculement ? », Blog de Pierre Khalfa, Mediapart, 5 juin 2018.

[26Pierre Khalfa, « Retraite : le basculement ? », Blog de Pierre Khalfa, Mediapart, 5 juin 2018.

[27Christophe Alix, « Retraites : Il y a eu beaucoup de perdants en Suède » Libération, 28/10/2018, https://www.liberation.fr/futurs/20...

[29Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, 2015, https://www.fonction-publique.gouv.....

[30https://www.vie-publique.fr/decouve..., Sandrine Foulon, « Pourquoi les régimes spéciaux font de la résistance », Alternatives économiques,
24/09/2019, https://www.alternatives-economique...

[32Taux de cotisation : 28,12 % entre 0 et 3 plafonds de sécurité sociale, 2,81 : au-delà de 3 plafonds.

[33« Retraites, le plan du gouvernement », le Parisien, 31 mai 2018.

[34Pierre Khalfa, « Un système de retraites par points pénalisera encore plus les salariés précaires », Le Monde, 17 septembre 2019

[35Jean-Marie Harribey, « le cynisme confine à l’absurdité », mai 2018, https://www humanite.fr/retraite-a...